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Au Parisien, deux de nos professeurs à propos des manifestations propalestiniennes à Sciences Po. Paris
Source : Elsa Mari, "« Nous sommes les grands oubliés » : après les polémiques à Sciences-po, les professeurs montent au créneau", Le Parisien, 29 avril 2024 - https://www.leparisien.fr/societe/nous-sommes-les-grands-oublies-apres-les-polemiques-a-sciences-po-les-professeurs-montent-au-creneau-29-04-2024-KFRE2BKV5JEGXBPOA2CKWOVMKU.php
« Nous sommes les grands oubliés » : après les polémiques à Sciences-po, les professeurs montent au créneau
Les étudiants crient leur colère; les politiques, leur indignation. Entre les deux, une voix reste silencieuse. Celle des professeurs de Sciences-po Paris. Ils en ont, pourtant, des choses à dire, sur l'agitation qui secoue la maison de la rue Saint-Guillaume. « Nous sommes les grands oubliés », regrette un enseignant frustré. L'école des élites, perturbée mercredi par des étudiants mobilisés en faveur du peuple palestinien, a encore été bloquée ce vendredi par une poignée d'élèves. Occupation du bâtiment, sit-in dans la rue, heurts - vite contenus par la police - avec les manifestants pro Israël, présence des députés LFI écharpe en bandoulière, accusés de souffler sur les braises. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a dénoncé « un spectacle navrant », et le mode d'action estudiantine, commenté tout le week-end, divise même la gauche. Un seul clan semble uni. La dizaine de professeurs que nous avons interrogés s'accordent à dénoncer « un emballement médiatique ». « On a l'impression d'une mobilisation massive alors qu'une grande partie des étudiants ne soutient pas les blocages », constate Franck Jacquet, professeur en sciences politiques. De fait, seule une centaine d'élèves du campus parisien - sur les 2 000 - s'est mobilisée.
Pas un « bunker islamo-gauchiste »
Ce décalage total entre le « récit fantasmé », selon lui, des événements et la réalité de terrain horripile Jacques Généreux, maître de conférences d'économie et soutien de Jean-Luc Mélenchon, le leader de LFI, dont il avait rédigé le programme économique pour la campagne présidentielle de 2017. « On voudrait laisser croire qu'il y a une transposition de la guerresur nos campus, c'est faux ! » Sur le fond, rien de plus normal, dit-il, à ce que les élèves s'engagent contre le massacre des Gazaouis. « On parle d'un drame mondial et historique. Heureusement que notre jeunesse se révolte ! » Ce vendredi, Jacques Généreux, présent rue Saint Guillaume, n'a observé « aucune insulte antisémite ni violence ». « Il y avait juste une rangée de CRS casqués et beaucoup d'étudiants assis par terre. » Depuis la guerre du Viêt Nam, les étudiants ont toujours été à la « pointe du combat contre l'injustice, abonde Bertrand Badie, qui a exercé quarante ans à Sciences-po. Ils sont plus sensibles aux souffrances du monde que d'autres catégories sociales, plus repliées sur leur quotidien. » « Quand j'entends dire que l'école serait devenue un bunker islamo-gauchiste, j'en tombe de ma chaise ! »
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Depuis plusieurs mois, le débat fait rage : Sciences-po s'est-elle radicalisée ?
Mi-mars, une étudiante juive aurait été empêchée d'accéder à une conférence pro-Palestine. Les organisateurs se défendent d'antisémitisme mais l'incident, qui nourrit la suspicion autour de l'école prestigieuse, est remonté à l'Élysée. « Il est intolérable qu'il y ait du séparatisme dans la République et à Sciences-po », s'est étranglé Emmanuel Macron. Le gouvernement a d'ailleurs saisi le procureur de la République et une enquête administrative est en cours. La fin du blocage de vendredi a été décrétée après l'annonce d'un accord entre les étudiants, menés par le Comité Palestine, et la direction. Les premiers demandent « la n des partenariats avec toutes les entités (universités, entreprises) jugées complices de l'oppression systémique du peuple palestinien. » La direction promet une réunion publique ouverte « à toutes les communautés de Sciences-po » d'ici à jeudi.
Les élèves mettent-ils la pression sur l'institution ? « Je crains que le rapport de force n'évolue au détriment de la direction et des professeurs », cone Franck Jacquet, qui admet s'interroger sur « le climat qui règne à Sciences-po Paris ».« L'image qui est renvoyée de notre maison est injuste et désolante. Certains sujets, dit-il, comme le con it israélo-palestinien, sont devenus trop polémiques. « Au l des années, les élèves de licence font de moins en moins la différence entre le temps de l'analyse et le militantisme. Lorsqu'on aborde les massacres du 7 octobre, certains rétorquent aussitôt que l'intervention israélienne a fait bien plus de morts à Gaza. On a tendance à passer vite sur le sujet pour éviter ces débats. » D'autres professeurs, comme Laurent Gayer, évoquent a contrario des « échanges riches et matures »: « Jamais je n'ai senti la moindre tension communautaire entre les étudiants ! » Quant à leurs revendications auprès de la direction, il s'agace : « Ils en ont parfaitement le droit. Celles-ci vont donner lieu à un débat au sein de l'institution. » Comme lui, les professeurs regrettent que l'on adore « taper sur Sciences-po ». Une responsable des programmes s'en désole : « L'image qui est renvoyée de notre maison est injuste et désolante. »
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